dimanche 17 mars 2024

 

Vous avez dit « high fantasy » ? (partie I)


 

Il est une distinction bien connue dans le domaine de la fantasy, c’est celle de « high fantasy » et de « low fantasy ». En général, la distinction se fait selon le degré de l’importance de la magie dans un monde. Il y a les mondes « high fantasy », et les mondes « low fantasy ». Tout le monde s’accorde à dire que les Royaumes oubliés, par exemple, l’univers le plus connu pour Dungeons&Dragons, est du high fantasy. De même Eberron, Midgard de Kobold Press, Planescape, et bien d‘autres encore, pour ce qui est des univers de jeux de rôles sur table. En comparaison avec le monde de Tolkien, les Terres du Milieu, ou celui de Game Of Thrones, de G.R.R Martin, qui peuvent être qualifiés de low fantasy (pour prendre les exemples les plus connus, et aussi parmi les plus influents). Il faut mettre aussi dans la même catégorie du « low fantasy » le genre « Sword and Sorcery », dont R.E Howard fut le fondateur, avec principalement l’Hyboria, le monde de Conan, et avant lui, celui de Kull le roi barbare, Valusia. Je mettrais Le cycle des épées de Fritz Leiber dans la même catégorie.  Ce qui caractérise ces univers est qu’en général la magie est rare (en ce sens qu’elle est à la portée de peu de personnes, pas au sens où elle ne surgit que rarement dans les aventures), et que de surcroît, quand présente, elle est très souvent maléfique.  

Tout cela est bien établi. Néanmoins il semblerait que cette classification soit toujours à relativiser, comme toute classification. J’ai été très surpris d’entendre un jour un universitaire, spécialiste de Tolkien, qualifier les Terres du Milieu de « high fantasy ». Apparemment le critère serait la connexion ou les références à notre monde réel, et comme il est très faible, voire inexistant d’une certaine manière, on pourrait qualifier cela de high fantasy. Je pense que ce qui lui faisait dire cela est peut-être une comparaison avec les premières œuvres littéraires de fantasy antérieures à celles de Tolkien. Il n’en reste pas moins que la fantasy est aujourd’hui un genre qui échappe à la littérature seule. Et même du point de la seule littérature, l’affirmation me paraît difficilement soutenable. Le contre-exemple parfait étant Le cycle d’Elric, de Michael Moorcock. C’est un univers high fantasy, incontestablement, qui pourtant renvoie à des points de connexion avec notre monde réel (par exemple le personnage de Wheldrake, venant de la vieille Angleterre). Je dois dire que je ne suis pas fan personnellement de ces renvois à notre monde réel. Je trouve que cela brise l’immersion dans la fantasy. C’est comme si en plein visionnage d’un film on vous montrait les caméras, projecteurs, et fonds verts des effets spéciaux. Evidemment, rien ne vient de rien. Mais c’est une chose de s’inspirer du monde réel, pour le reconfigurer, et une autre de faire un renvoi au monde réel « brut ».

Une autre chose que l’on pourrait affirmer est que les univers « low fantasy » s’accordent mieux à la littérature, alors que ceux « high fantasy » s’accordent mieux aux jeux de rôles, sur table ou en jeux vidéo, et aux bandes dessinées. Ce à quoi on pourrait rétorquer que cela n’est pas vrai, car il est bien des jeux de rôles qui se situent sur des univers low fantasy. Et Moorcock est là aussi un contre-exemple parfait pour la littérature. Pourtant, c’est ce que je tends à penser fortement. Les jeux de rôles low fantasy sont souvent tirés de la littérature (Pendragon, Conan, par exemple, et on pourrait aussi y mettre Cthulhu de H.P Lovecraft), alors que tout ce qui a été produit en « high fantasy » par et pour le jeu de rôle, initialement, donne des résultats très souvent décevants lorsque cela passe sur un format dit artistique, comme le roman ou le cinéma. J’ai beaucoup d’admiration pour quelqu’un comme Ed Greenwood, en tant que créateur d’univers et de contenu pour jeux de rôles. Mais quand on lit ses romans, on se dit qu’on reste dans le jeu de rôle. C’est du contenu pour jeu de rôle. C’est du lore. Cela n’a plus grand-chose à voir avec un travail littéraire comme ceux de Tolkien ou R.E Howard à mon sens. On remarquera aussi que les plus grandes réussites de la fantasy à l’écran (cinéma ou télévision) sont de la low fantasy : Conan, Excalibur, Le seigneur des anneaux, Game of Thrones, et j’en oublie. La high fantasy passe mal à l’écran. Et je pense aussi qu’elle passe mal dans la littérature. Pour ma part, dans mon propre travail de création littéraire, j’essaie de rester dans la low fantasy. Pas seulement parce que j’ai « remarqué » que c’était mieux adapté pour le genre littéraire. Je me fiche de ce qui est bien adapté ou pas selon les modes du moment. Mais parce que c’est mon goût propre, tout simplement. J’aime la high fantasy dans le jeu de rôle, mais j’aime plus encore la low fantasy, ou disons, une certaine forme de « middle fantasy », un genre entre les deux, dans le jeu de rôle, comme dans la littérature.

 (image : Allan Pollack, Couverture de Dangerous Games, 2ème livre de la trilogie Netheril, TSR, 1996)

 

 

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